Disons-le tout net, on ne se bousculait pas au portillon pour le poste de Moussa Bezaz. Voilà dix mois que ce Franco-Algérien entraîne la sélection de la Palestine.
Ni les tensions à Gaza ni l’occupation israélienne de la Cisjordanie et de Jérusalem-Est ne l’en auront dissuadé. Longtemps sans le sou, l’Association palestinienne de football a vécu le plus clair des années 2000 au ralenti : la Seconde Intifada a porté un sérieux coup à cette fédération fondée en 1928 par des dirigeants juifs, puis reprise en main en 1962 par une majorité arabe.
relancé après huit ans d’interruption
C’est l’arrivée de Jibril Rajoub à la tête de la « fédé », en mai 2008, qui a changé la donne. Ce responsable du Fatah pilotait auparavant les missions antiterroristes de l’Autorité palestinienne, interlocuteur privilégié du gouvernement israélien. Dès le mois d’octobre 2008, fort de ses diverses relations, il a contribué à relancer le championnat local après huit ans d’interruption. Son influence a aussi profité aux « Chevaliers » – surnom donné aux protégés de Moussa Bezaz – comme le Français d’origine palestinienne Mohamed-Ali Shatrit. Alors âgé de vingt-six ans, cet avant-centre du club de Drancy (CFA), en banlieue parisienne, a débuté avec l’équipe nationale palestinienne en mai 2009, contre les Belges du FC Brussels.
La Palestine honorait pour l’occasion son tout premier match sur le sol européen. Une rencontre disputée dans le cadre du soixantième anniversaire que célébrait, l’an dernier, l’agence des Nations unies pour les réfugiés palestiniens.
« Chaque match de la Palestine a un aspect politique. Mais, moi, je voudrais que ça devienne des matchs normaux, clame Shatrit, blessé depuis mars. Je ne me sens pas militant, je suis juste fier de représenter mon pays. Bien sûr, le foot reste une façon de défendre la cause palestinienne. Autrement que par les armes, pacifiquement », ajoute-t-il sobrement. Grâce à son statut d’international, ce joueur amateur a enfin foulé, il y a quelques mois, la terre de ses ancêtres, près d’Hébron. Non sans difficultés : « À mon premier séjour, on m’a retenu des heures à l’aéroport de Tel-Aviv. Je répétais que je venais jouer pour mon pays, la Palestine. Seulement, le personnel de sécurité riait, ils ne me croyaient pas et disaient que ce n’était pas un pays… »
Loin du tarmac de l’aéroport, Shatrit a fini par découvrir le stade Al-Ram de Ramallah, où la Palestine avait joué, en octobre 2008, son premier match officiel « vraiment » à domicile. Avant, elle recevait en Égypte, en Jordanie ou au Qatar. Avec force drapeaux palestiniens, ses supporters rattrapent à présent le temps perdu. « Sur la carte, la Palestine n’existe pas. Pourtant, quand je vois notre public, pas besoin de carte pour comprendre qu’elle reste un pays dans le cœur des gens », glisse Bezaz.
LE FOOT A UN TEMPS D’AVANCE SUR LA POLITIQUE
Dans la lutte des Palestiniens pour leur indépendance, le foot a donc un temps d’avance sur la politique. Depuis 1998, la Fédération internationale de football (Fifa) reconnaît, en effet, la Palestine comme une sélection nationale. Bezaz, Rajoub et Shatrit ont néanmoins encore du travail. Leur équipe pointe seulement au 174e rang du classement Fifa.
Le 28 mai, elle affrontera chez elle les joueurs du royaume de Bahreïn. Un match qui est loin d’être évident puisque les joueurs du golfe Persique ont raté de peu leur ticket pour le Mondial sud-africain lors d’un double barrage face à la Nouvelle-Zélande. Ensuite, il sera temps de défier l’égypte, championne d’Afrique en titre, le 8 août prochain. Comme une sorte de Mondial pour les footballeurs palestiniens…